Virer un locataire en cours de bail : procédure légale et conseils pratiques

Un chiffre brut, sans fard : chaque année, plusieurs dizaines de milliers de locataires font l’objet d’une expulsion en France. Derrière cette mécanique administrative, un parcours semé d’obstacles légaux et de tensions, où bailleurs et locataires se retrouvent face à la même équation : respecter la loi, sous peine de tout voir s’effondrer.

La loi verrouille solidement la rupture d’un bail avant son terme. Impossible de déloger un locataire sur un simple désaccord : seuls des motifs bien précis ouvrent la porte à une procédure. Loyer impayé, troubles graves dans l’immeuble, absence d’assurance habitation… Ces situations, strictement encadrées, imposent un passage par la case justice, même si tout le monde tombe d’accord dans un salon.

Autre garde-fou imposé par le législateur : la trêve hivernale. Entre le 1er novembre et le 31 mars, toute expulsion est suspendue, sauf exceptions spécifiques (logement insalubre, relogement garanti, etc.). Ce sursis ne stoppe pas la procédure, mais il bloque l’expulsion effective.

Le respect à la lettre du parcours judiciaire n’est pas une formalité. Le moindre faux pas, la plus petite entorse à la procédure, et c’est l’annulation pure et simple de l’expulsion, voire des sanctions à la clé pour le propriétaire trop pressé.

Dans quels cas un locataire peut-il être expulsé en cours de bail ?

Le contrat de bail octroie au locataire un droit d’usage du logement, mais ce droit a ses limites. Certains manquements ouvrent la voie à l’expulsion locataire en pleine période de location. Le cas le plus fréquent ? Le non-paiement du loyer. Dès qu’une échéance n’est pas honorée, le propriétaire bailleur peut activer la procédure judiciaire, surtout si une clause résolutoire figure au bail. Cette clause permet de rompre le bail automatiquement, à condition que la dette ne soit pas réglée après une mise en demeure.

Mais il n’y a pas que le loyer. Si le locataire perturbe la tranquillité de l’immeuble, tapages nocturnes répétés, dégradation, sous-location sauvage sans l’accord écrit du bailleur, il prend le risque de voir le bail résilié. Le règlement de copropriété et le règlement intérieur, s’ils sont ignorés au point de perturber durablement la vie de l’immeuble, peuvent aussi servir de base à une procédure.

Autre point de vigilance : la preuve d’assurance habitation. Sans attestation valable, le locataire est en faute, et le bailleur peut demander la résiliation du contrat par la justice.

Voici les principaux manquements qui ouvrent la porte à une expulsion :

  • Loyers impayés ou charges qui restent dues
  • Non-respect du règlement de copropriété ou comportements perturbant la jouissance paisible du bien
  • Absence d’assurance habitation

La présence d’une clause résolutoire dans le bail facilite la procédure. Sinon, c’est la décision du juge, et elle se construit à partir du dossier complet.

Comprendre la procédure légale d’expulsion étape par étape

L’expulsion d’un locataire ne s’improvise pas. Dès le premier impayé, la marche à suivre est claire et rigoureuse. Tout commence par un commandement de payer, un acte officiel remis par un commissaire de justice (ex-huissier). Ce document détaille la somme due et laisse au locataire deux mois pour régulariser la situation ou solliciter un aménagement du remboursement.

Si la dette subsiste après ce délai, c’est le juge des contentieux de la protection qui entre en scène. Le magistrat analyse le dossier au cours d’une audience, écoute bailleur et locataire, puis juge de la résiliation du bail et de l’expulsion.

Quand le tribunal statue en faveur du propriétaire, il transmet un commandement officiel de quitter les lieux au locataire. Celui-ci bénéficie encore d’un délai, habituellement deux mois, pour partir ou demander un report. Au-delà, si le logement reste occupé, le commissaire de justice met à exécution l’expulsion, avec le soutien de la force publique si besoin.

Droits, obligations et recours possibles pour le locataire et le bailleur

La procédure d’expulsion locataire encadre fermement droits et responsabilités de chacun. Pour le bailleur, impossible de s’affranchir du formalisme légal. « Forcer » le départ du locataire en changeant les serrures, coupant l’électricité ou pénétrant dans les lieux relève du délit et expose à de lourdes sanctions. Pour le locataire, le droit à la jouissance du logement subsiste tant que toute la procédure n’est pas allée à son terme, même si le bail a été résilié.

Entre novembre et mars, la trêve hivernale met en pause toute expulsion effective, sauf exceptions singulières (logement dangereux, relogement garanti…). Lorsqu’une menace d’expulsion se profile, le locataire n’est pas démuni : il peut saisir la commission de surendettement pour geler la procédure ou déposer un dossier DALO pour espérer accéder rapidement à un logement social. Demander une aide au fonds de solidarité pour le logement est aussi possible pour franchir un cap difficile.

Recours et garanties complémentaires

Il existe plusieurs dispositifs supplémentaires dont peuvent tirer parti bailleurs et locataires :

  • Le bailleur peut faire jouer une assurance loyer impayé si elle existe.
  • Le locataire doit maintenir son assurance habitation active pendant toute la durée du bail.
  • Le dépôt de garantie ne peut être conservé par le propriétaire qu’en présence de dégradations vérifiées ou d’un impayé à l’état des lieux de sortie.

Parfois, la meilleure issue tient à une discussion posée. Mieux vaut quelques échanges écrits qu’une escalade judiciaire : un terrain d’entente peut toujours émerger, allégeant la charge humaine pour tous.

Propriétaire et locataire discutant avec documents et clés sur la table

Ressources pratiques et conseils pour gérer une expulsion en toute légalité

La procédure d’expulsion impose rigueur et sérieux. Pour éviter les erreurs qui coûtent cher, s’appuyer sur les conseils d’un avocat spécialisé en droit immobilier fait souvent la différence. Le commissaire de justice, lui, est incontournable pour toutes les étapes officielles, de la signification du commandement à l’exécution de la décision de quitter les lieux.

Avant d’atteindre le stade de l’expulsion définitive, la médiation permet parfois d’éviter le pire. Les solutions amiables, via la commission départementale de conciliation ou un conciliateur de justice, offrent un espace neutre pour renouer le dialogue, même avec un conflit bien installé. De leur côté, les locataires en situation délicate peuvent solliciter la CAF pour bénéficier d’un accompagnement social ou d’un appui ponctuel via le fonds de solidarité pour le logement (FSL).

Quelques ressources-clés à solliciter :

Pour mieux faire face à un litige ou orienter chaque démarche, plusieurs soutiens existent :

  • Propriétaire bailleur : conseils auprès d’un avocat, information auprès des instances spécialisées dans le logement
  • Locataire : demande d’aide à la CAF, dossier FSL, saisie d’un conciliateur ou d’une commission dédiée au règlement des conflits
  • Commissaire de justice : intervention à chaque notification officielle et pour toute exécution d’une décision
  • Assureur habitation : assistance et recours utiles en cas de sinistre ou de besoin de conseils

Chaque situation d’expulsion locataire répond à sa logique propre : contexte humain, dettes, imprévus, capacité à négocier. Les traces écrites, la transparence et le sang-froid restent les meilleurs alliés du bailleur comme du locataire pour ne pas basculer dans l’injustice ou la précipitation. Face à une expulsion, rien n’est gravé dans le marbre. Parfois, il suffit d’un dialogue renoué pour que les lignes bougent.

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